LE SERVICE MILITAIRE EN EUROPE, IDÉE DÉPASSÉE OU RENOUVEAU ?

Un renouveau du service militaire : l’Europe réveillée face aux menaces de demain ?

Cette démarche de renouveau du service militaire va contre la tendance de ces dernières décennies en Europe. Face à ce phénomène, un premier constat s’impose : le contexte géopolitique en Europe est de plus en plus tendu et nécessite une défense nationale, en particulier pour les pays d’Europe du Nord et orientaux. La plupart de ces pays ont conservé ou réinstauré la conscription parce qu’ils sont souvent les plus vulnérables. Le retour ou la conservation du service militaire dans les pays comme l’Ukraine, la Lituanie et la Suède s’explique par la place de la Russie dans le débat régional, notamment depuis la guerre en Ukraine et l’annexion de la Crimée en 2014. Les velléités expansionnistes de la Russie sont particulièrement menaçantes pour les pays dont la population est constituée de minorités russophones, comme l’Estonie, dont les jeunes ne cessent de s’engager pour préparer la défense du pays. Le rétablissement du service militaire dans ces pays répond à l’urgence de recruter face à une menace de plus en plus crédible à leurs frontières. On estime en 2019, environ 35 000 conscrits en Autriche, 3 500 en Lituanie, 21 000 en Finlande, 10 000 en Norvège et 4 000 en Suède.[6]  La Turquie peut représenter une autre forme de menace pour les pays voisins, en particulier pour la Grèce. Bien que le service militaire soit toujours obligatoire pour les hommes en Grèce, les forces grecques ne seraient pas encore en mesure d’assurer une confrontation directe avec les armées turques.

La menace terroriste et l’insécurité des sociétés d’Europe occidentale constituent un second facteur expliquant le renouveau du service militaire. En France comme en Allemagne, les attentats djihadistes ont fait l’objet des grands débats politiques sur la sécurité. La peur du terrorisme et le sentiment d’insécurité croissant dans la société sont des facteurs qui amènent à repenser le service militaire. Les attentats ont aussi mis l’accent sur le manque d’effectifs. L’armée française a été incapable de conserver ses 10 000 hommes au sol tout en continuant à les déployer à l’étranger. Cependant, ces événements ont aussi  généré une inflation des candidatures aux centres de recrutement de l’armée de terre. Dans la semaine suivant les attentats, selon le colonel Éric de Lapresle, le nombre de candidatures était multipliés par 4, passant  de 400 à 1500 par jour.[7].Troisièmement, la réhabilitation du service militaire s’explique par une raison structurelle commune aux armées européennes : le manque d’effectifs. Depuis la fin de la guerre froide, les effectifs de la France, comme ceux de l’Allemagne, sont en baisse constante. En 1991, l’Armée française comptait  300 643 militaires de carrière. En 2018, les Forces armées comptent  206 317 militaires d’active[8]. Du côté de l’Allemagne, en décembre 2012 la Bundeswehr était composée de 191 818 militaires, alors qu’en 2018 les effectifs tombent à 179 710.

La Suède est un modèle de service militaire renouvelé avec succès. Supprimé en 2010, le pays le rétablit en 2017 pour les raisons géopolitiques évoquées plus-haut, ainsi que pour pallier son manque d’effectifs. La Suède ne faisant pas partie de l’OTAN, elle ne peut compter que sur ses forces nationales pour se défendre. Avant de rétablir le service, le pays se trouvait en manque de 7 000 soldats. Le recrutement sur la base du volontariat ne suffisait plus. L’armée suédoise compte 20 000 personnels en 2018, dont 16 % de femmes, mais il en faudrait 1000 de plus pour que les effectifs soient suffisants[9]. De même, si la Norvège est considérée comme un pays modèle en termes d’égalité des sexes, la décision d’un service obligatoire mixte tient aussi de raisons pragmatiques : l’armée norvégienne reste assez petite (environ 11 000 soldats) et a besoin de gonfler ses rangs en unissant les forces masculines et féminines.

Source : LE SERVICE MILITAIRE EN EUROPE, IDÉE DÉPASSÉE OU RENOUVEAU ?