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Yanis Varoufakis, économiste grec et figure emblématique de la résistance contre l’austérité en Europe, affirme que le capitalisme est déjà mort. Son dernier ouvrage propose une nouvelle théorie économique : le technoféodalisme. Selon lui, nous sommes passés à une ère post-capitaliste, pire encore que le capitalisme lui-même.
Pour comprendre cette vision, il est essentiel de revenir sur la définition du capitalisme. Dans ce système, le pouvoir découle de la propriété des moyens de production. Varoufakis rappelle que, historiquement, sous le féodalisme, le pouvoir était entre les mains des propriétaires terriens. Avec l’avènement du capitalisme, ce sont les machines et les usines qui ont donné aux capitalistes un pouvoir sur les travailleurs. Mais aujourd’hui, cette dynamique a radicalement changé avec l’émergence du « capital cloud ».
Le « capital cloud » est cette nouvelle forme de capital, incarnée par des entreprises technologiques comme Amazon, Google ou Facebook, qui contrôlent non seulement les marchés, mais aussi nos comportements à travers des algorithmes. Ce n’est plus un capitalisme traditionnel, où les capitalistes créent des produits pour répondre aux besoins des consommateurs. Désormais, ce sont ces géants du numérique qui façonnent nos désirs et comportements à travers l’automatisation et l’intelligence artificielle. Le pouvoir ne repose plus sur la production, mais sur la capacité de ces entreprises à exploiter nos données et notre travail gratuit. En effet, chaque fois que nous interagissons sur les réseaux sociaux ou utilisons des services numériques, nous contribuons à enrichir ces plateformes, sans aucune rémunération en retour. Varoufakis parle d’une nouvelle classe de prolétaires du cloud, qui travaillent sans contrat et sans protection sociale, dans des conditions précaires.
Varoufakis décrit cette transition comme un retour au féodalisme, mais cette fois-ci, les seigneurs féodaux sont les propriétaires de ces plateformes numériques. Ceux qui produisent des biens, comme les petites entreprises vendant sur Amazon, sont devenus des vassaux, contraints de verser une grande partie de leurs revenus aux géants du cloud. Cette nouvelle forme de pouvoir économique bouleverse non seulement les marchés, mais aussi nos sociétés et nos démocraties.
Le technoféodalisme a également des implications géopolitiques majeures. Les États-Unis et la Chine, qui contrôlent la majorité du capital cloud, sont engagés dans une nouvelle guerre froide technologique. Pendant ce temps, l’Europe, dépourvue de capital cloud, se trouve marginalisée sur la scène mondiale.
Le message de Varoufakis est clair : si nous ne reprenons pas le contrôle de cette nouvelle forme de capital, nous nous dirigeons vers un avenir de plus en plus inégalitaire et autoritaire. La solution qu’il propose est de socialiser le capital cloud, de le transformer en un bien commun, accessible et contrôlé par tous, comme l’air que nous respirons ou les infrastructures publiques.
Ce changement ne pourra pas venir des gouvernements, qui, selon Varoufakis, sont trop profondément intégrés dans ce système. Il appelle plutôt à une prise de conscience collective et à des actions citoyennes pour réformer notre économie et notre démocratie. Il donne l’exemple de mouvements de grève mondiale contre Amazon, visant à sensibiliser le public aux abus du technoféodalisme et à proposer des alternatives.
Le capitalisme est peut-être mort, mais l’avenir n’est pas encore écrit. C’est à nous de décider comment nous voulons vivre dans cette nouvelle ère numérique.
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Mr Mehdy NESMON
Juré Formateur Professionnel